Fabulation ou réalité ?
Texte de septembre 2016
Dès vingt heures hier soir, je me suis assise dans mon fauteuil, les pieds levés, emballée d'écouter les commentaires des analystes politiques sur le débat à venir entre Mme Clinton et M. Trump, quand soudain l'image et le son de ma télévision furent remplacés par l'affichage en boucle de ses paramètres, la boucle se bouclant en l'éteignant. Interdite face à la situation, je me hasarde à rallumer, mais au bout d'une quinzaine de minutes, le manège recommence, avec le même résultat.
Tout en marmonnant tout bas quelques jurons, je cherche à reprendre le contrôle de ma télévision, mais celle-ci montre les signes d'une possession par un esprit ! Je fais appel à mon mari, procédure standard dans notre maison, pour qu'il vérifie les manettes, les paramètres, les câbles, et le courant, afin qu'il puisse remettre la télé dans son état normal ! En arrivant dans le salon, il remarque en effet que l'image n'est pas dans son état normal, et il me jette un regard qui jette des lueurs de doute sur ma compétence à gérer la technologie. En imaginant sans doute que j'avais - encore - accroché un bouton de la manette, il s'assoie dans son fauteuil, et manipule studieusement la télécommande - Phase 1, Phase 2, Phase 3 - pour remettre l'image à son état normal. Mais la télé, ne faisant qu'à sa tête, s'éteint comme pour le narguer !
La télévision se moque de nous, elle cherche à nous virer en bourrique par son entêtement à ne pas obéir simplement aux commandes de sa manette. Au bout d'une heure, mon mari s'entêtait aussi, en vain, à ramener la télé à la raison, alors j'ai décidé que la méthode scientifique ne fonctionnait pas, et qu'il était temps que je laisse mon intuition manipuler la manette et la télé. Je renvoie mon mari rédiger son texte, ou configurer quelque chose, et je regarde la télé dans les yeux.
Je me suis amusée à faire la navette entre mon fauteuil et la télé, pour la rallumer manuellement quand elle expirait, et finalement, pendant l'heure qui a suivie, j'ai pu écouter le débat entre les deux candidats et suivre les commentaires des analystes politiques. Nous avons écouté notre émission, Il était une fois, en pièces détachées, entre la télé du salon qui s'allumait et s'éteignait, et celle de la chambre de ma fille, qui se comportait courageusement sans défaillir. «Tu n'as pas honte ?» ais-je lancé mentalement à la télé du salon ?
Vers minuit, en me dirigeant vers notre chambre, je suis entrée dans mon bureau pour vérifier si mon ordinateur était bien éteint, et j'ai entendu un miaulement faible de chat. Bon, que je me suis dit, ma chatte s'est enfermée dans le garde-robe, ou elle joue à la cachette dans un recoin de la pièce. Mais j'ai fait le tour du bureau, qui n'est pas bien grand, pas un chat, mais mon ordinateur était bien éteint. Je retournai au salon, pour m'assurer que Catimini est bien couchée au sous-sol, et mon mari confirme que c'est bien le cas. Bon. Nous nous couchons, blottis l'un dans l'autre.
Vers quatre heures ce matin, je suis tirée du sommeil par une lueur dans le corridor, donc je me lève et je me dirige vers le salon, pour constater que la télévision s'est allumée, et que les nouvelles de la veille défilent en boucle, malgré leur manque total d’intérêt. J'essaie de l'éteindre avec la manette, mais rien à faire, je dois l'éteindre manuellement. Je regarde la télé avec suspicion, je jette un regard sous le meuble, et je retourne finalement me coucher. Il y a mystère, mais qui veut faire enquête à quatre heures trente, l'heure du loup ?
À six heures trente ce matin, lors de mon réveil, je marche tout endormie aller préparer mon café dans la cuisine, mais, surprise, ou peut-être pas, la télé est allumée, et au moins elle diffuse des nouvelles fraîches. Mais elle semble avoir oublié que le matin, je lis le journal, et je prends mon café dans le plus grand silence. Je l’éteins d'une main ferme, et je vais chercher le journal qui m'attend dans la boite aux lettres pendant que mon café coule. La télé se tient tranquille.
Je m'assois avec mon journal, et je sirote mon café. Qu'entends-je au bout d'une demi-heure, la télé qui se met à jacasser. Je l’éteins encore, et je poursuis la lecture du journal, quand au bout d'une autre demie-heure, elle se rallume brusquement. En soupirant, j'entreprends mon petit ménage du matin, un peu d'époussetage, et un coup d'aspirateur dans le salon et la salle à manger, tout en écoutant les nouvelles, faisant un peu contre mauvaise fortune bon cœur.
Mais une ombre surgit, l'ombre d'une fine couche de poil de chat sur la table en érable teinte couleur de merisier ! Il est impossible qu'il y ait autant de poil de chat, l'aspirateur a bien travaillé la veille, et les chats sont au sous-sol pour la nuit. Mais mon cerveau et mon intuition se concertent, et réunissent les indices. Le miaulement entendu avant le coucher, la télé visiblement hanté par un esprit, le poil de chat qui ne devrait pas être là, tous ces indices montrent, comme une flèche dans un autobus, l'explication. L'esprit de mon chat décédé, Merlot, qui aimait bien jouer des tours, habite encore les lieux, qu'il aimait tant, surtout quand il pouvait se coucher sur le tapis de velours devant la télé, et il me fait des clins d’œil ! Peut-on exorciser un chat ? Veut-on exorciser ce chat, si espiègle et si affectueux ? Merlot, restes comme tu veux, nous mettrons des croquettes fantômes dans un bol imaginaire, mais, s'il-vous-plait, ne fait plus de fricassée dans ma télé !