Voyage hors du temps

Le 21e siècle apporta des changements probants dans les us et coutumes, et aucun être humain ne put prédire la suite des événements. Un Sylphe malin vint s’établir sur la Terre à l’insu de tous les services secrets. Il s’infiltra insidieusement dans toutes les sociétés, pauvres, riches, religieuses ou athées, et généra un climat de suspicion! La majorité planétaire le craignit pendant que la minorité l’affronta et crut à une machination des gouvernements. Les terriens durent créer ou réinventer de nouvelles façons de vivre, afin de survivre psychologiquement à cet être maléfique!


Après un confinement de plusieurs mois, les frontières internationales, par terre, par mer, ou par les airs, fermées, chaque individu devait se mijoter des vacances à la hauteur de ses attentes, malgré toutes les palanques! Mon mari fit preuve d’imagination, et suggéra : « Partons en voiture, et laissons-nous guider! » Une hésitation franchit mon esprit, mais une image lumineuse envahit mon cerveau et me propulsa dans cette belle expédition! Qui pouvait résister à ces images de quiétude après une réclusion forcée? Je vis des routes tortueuses qui longeaient la mer et les montagnes, et un soleil resplendissant reflété dans chaque mouvement de cette mer à perte de vue! À ma droite, au flanc de la falaise, un chevreuil gambada élégamment sans se préoccuper si des chasseurs le poursuivaient. Un peu plus loin, des lapins ou des lièvres s’amusaient à sautiller dans l’herbe tout en imitant entre eux le bruit des autos qui filaient devant eux!


Nous amorçâmes notre périple dans l’euphorie et savourâmes chaque kilomètre de liberté! Mon mari me guida jusqu’à un lac qui termina la route, ou peut-être une rivière, qui se nommait « Liebroc », mais je lus « Libre »! Je me sentis comme un héron prête à survoler cette grande mare à la recherche d’un poisson! Je profitai de cette aérophagie pour éjecter ce Sylphe malin qui essaya sûrement d’envahir mon organisme! Nous marchâmes le long de la « Libre » et nous admirâmes le paysage à couper le souffle jusqu’au moment où mon mari discerna une chaloupe au loin. Il me proposa, « Nous devrions nous rendre jusqu’à la chaloupe et nous pourrions découvrir cette rivière calme! »


Une pensée jaillit dans ma tête. « Le Sylphe n’est peut-être pas si hostile aux humains qu’il paraît! Sans son arrogance, je n’aurais pas connu cet extraordinaire cours d’eau! » Nous nous installâmes dans la barque et j’entamai, « Vogue, vogue, mon petit navire », mais je déchantai rapidement en entendant mes notes discordantes, qui n’honorèrent pas ce paysage paisible débordant de pureté! Nous ne vîmes aucune maison, et ne croisâmes aucun humain, mais nous aperçûmes une île toute boisée! Déterminés à poursuivre notre aventure, nous approchâmes et nous vîmes un écriteau où on lisait le mot « Éden ». Chaque consonne et chaque voyelle arbora une teinte qui s’apparenta aux couleurs de l’arc-en-ciel, mais dans des tons pastel. Nous accostâmes et attachâmes le canot à un bouleau en lui recommandant de le protéger jusqu’à notre retour.


Nous pénétrâmes à l’intérieur de l’Éden, et nous traçâmes notre propre chemin sur cette île non défrichée. Nous entendîmes le chant des oiseaux que nous ignorâmes, oiseaux qui se camouflèrent dans les arbres feuillus à perte de vue! Je sursautai quand je sentis quelque chose ou quelqu’un, qui freina derrière moi. Je tournai deux fois sur moi-même, et je vis une bête qui me fixa avec ses yeux noirs et qui me tendit ses deux pattes! J’attirai l’attention de mon mari, en lui assenant un coup de coude. « Regarde, regarde! Il veut me parler! » J’itérai à plusieurs reprises « Tu es bien beau, toi ! » Je remarquai une sorte de sourire facial, mais ses gestes répétitifs me laissèrent pantoise! Je m’exclamai, « Mais on dirait qu’il espère de la nourriture? Mais nous n’en avons pas! » Mon mari adhéra à mon hypothèse, et je le vis se mettre à la recherche de victuailles animales, typique du territoire de notre hôte, qu’il dénicherait peut-être dans les arbres! En l’absence de mon mari, tacticienne, je choisis de le questionner mentalement. « Comment t’appelles-tu? » Je crus entendre son nom en provenance de mon plexus solaire, « Tonton », que je répétai à haute voix à sa grande satisfaction !


Ces deux mains qui frappèrent l’une dans l’autre me renversèrent! « Voilà que maintenant je puis communiquer avec les bêtes? » Je poursuivis mon interrogatoire « Vis-tu seul sur cette île? » Il pointa son doigt vers le nord en esquissant un pas, et je perçus ce pas comme une invitation à le suivre! Je lui suggérai de rester avec moi en attendant le retour de mon mari, et il me signifia son approbation par un signe de la tête! Il me tendit à nouveau les mains, et je captai son message « Moi, me blottir contre toi! » Je le regardai les yeux hébétés et j’ouvris mes bras pour l’accueillir. Il se précipita contre moi, et il faillit me renverser sous son poids! Je saisis qu’il ne manifesta pas le désir de manger, mais simplement avoir un contact humain!


Il sentit qu’une sorte de frayeur m’accapara et il me communiqua, « N’aie pas peur, suis-moi, et je t’amène à ton mari! » Époustouflée qu’il puisse connaître mes angoisses, je le talonnai jusqu’au moment ou je distinguai la silhouette de mon mari contemplatif qui fixait la cime d’un arbre! Je hâtai mon pas vers mon mari, suivi de Tonton, et il sortit abruptement de son état second! Tonton, fidèle à sa parole, me rappela en pensée, « Accompagnez-moi, je vais vous initier à des merveilles! » Mon mari ne semblait pas réceptif aux communications mentales de notre nouvel ami, et je percevais son scepticisme. «Tonton», je lançai mentalement, «quand j’aurai compté jusqu’à cinq, mets tes bras autour des genoux de mon mari!» Je souris tout en comptant, et mon mari sursauta lorsque le raton laveur se serra contre lui. «Tu vois, lui et moi sommes devenus de bons camarades!» Mon mari regarda Tonton, puis il m’embrassa, et nous décidâmes de l’accompagner afin de vivre de nouvelles expériences. «Nous détenons la preuve que ce raton laveur peut compter au moins jusqu’à cinq!»


Pendant notre trajet piétonnier, je relatai à mon mari les messages télépathiques de Tonton, que ses mains tendues signifiaient qu’il convoitait un gros câlin! Nous badinâmes le long du parcours quand Tonton nous invita à franchir une barrière en fer forgé! Je demeurai bouche bée en apercevant Tonton qui escalada la paroi de brique recouverte d’une vigne, pour peser sur un bouton et déclencher un mécanisme d’ouverture! Je m’exclamai « Donc, nous trouverons des humains sur cet Éden? » Tonton ne répondit pas à mon interrogation! Une grande allée bordée de chênes se dressa pour nous accueillir, à perte de vue! Tonton nous devança et nous encouragea à le suivre, mais des doutes s’emparèrent de mon esprit. « Nous nous promenons sur une propriété privée, allons-nous devenir des otages? » Mon mari me rassura, et tout son être respira l’ataraxie!


Au travers des chênes, nous entrevîmes dans cette forêt vierge, à notre droite, un étang où des canards nasillaient, et des cygnes dans toute leur splendeur qui sifflaient. À notre gauche, des cerfs s’amusèrent à se dépasser, et des chèvres bêlèrent à notre passage pour nous saluer. Mon cœur d’enfant jaillit de mes entrailles et j’oubliai mon Sylphe dévastateur de l’humanité ! Nous progressâmes dans ce site enchanteur et nous perçûmes, une forme de palais qui arborait les mêmes matériaux que la barrière! Un léger parfum chatouilla mon odorat, senteur qui provint de cette propriété. Nous découvrîmes un jardin de rosiers qui y régnait en roi et maître. Les roses accrochées à leur branche honoraient ce jardin avec leurs couleurs tout en nuance.


En arrière du jardin de roses, un grand escalier nous invita presque à le franchir pour rejoindre l’intérieur de ce palais aux airs élyséens! Nous enjambâmes marche par marche pour savourer chaque moment et pour nous imprégner du paysage qui se présenta. Nous sonnâmes à la porte, mais personne ne répondit. Notre désir d’en savoir plus sur cette maison, nous amena à vérifier la poignée de la porte, et elle s’ouvrit par enchantement. L’entrée grandiose avec ses sculptures d’un autre siècle me coupa le souffle. Je demandai à mon mari, « Comment croire que personne ne semble l’habiter? » Et j’ajoutai « Le jardin à l’extérieur est entretenu d’une façon impeccable, et regarde les sculptures, elles sont toutes astiquées! »


Je me sentis en parfaite harmonie avec ce décor fastueux. Nous continuâmes notre investigation dans cette grande entrée somptueuse. Mon mari ouvrit une porte à tout hasard, une deuxième, et une troisième, et chacune des pièces renfermaient des bibliothèques où reposaient des livres peut-être venus d’un autre monde! Fier comme un paon de cette trouvaille, il entreprit de parcourir chaque tablette et chaque livre, mais je perdis un peu pied dans ce tourbillon d’événements! J’eus l’impression de me retrouver dans une maison hantée avec les fils de poussière qui jonchaient les bibliothèques et les livres. Je reluquai mon mari pour détecter une forme de dédain, quand il déplaça distraitement cette poussière avec ses longs doigts pour accéder à un livre, et je lui demandai « Toute cette saleté ne te répugne pas? » Il me regarda comme une extra-terrestre « De quoi parles-tu? » «De ce qui recouvre la bibliothèque et les livres! » Il répondit « Ah! Cela! » Il me débita « Ce n’est pas le plus vital, c’est le contenu qui importe! »

Malgré la poussière qui me repoussait, sa remarque se lova dans mon cerveau, comme une manifestation du principe que la beauté est intérieure, ou que l’apparence ne résume pas tout l’essence d’une chose ou d’une personne! Au fond, sa remarque spontanée confirmait mon sentiment des liens qui nous unissaient. Ou bien je lui ai transmis cette pensée, ou bien notre communauté amoureuse comprend une communauté d’esprit!


Il nagea tel un poisson dans l’eau dans cet environnement, et il prit le temps de préciser le sujet de chacun de ces livres! La première section qu’il déboucha concernait les batailles navales et j’absorbai comme un buvard, à la vitesse grand V, une partie des informations qu’il m’enseigna. J’avouerai qu’à la fin de la journée, je me sentis repue! Le soir venu, nous sortîmes de cette pièce, et je demandai, « Où allons-nous dormir? » Nous partîmes sans effet personnel, sans denrées alimentaires et sans boissons. J’émis des réserves quand il me suggéra d’enfiler le grand escalier. « Peut-être qu’au premier, nous trouverons tout ce qui contribuera à notre survie! » J’analysai la situation pour conclure sceptiquement, « Bien sûr, nous trouverons tout ce qui nous manque dans cette maison! Les intrus peuvent bénéficier d’un cinq étoiles! » Je suivis mon mari en escaladant l’escalier jusqu’au premier.


Il navigua comme en terrain connu, poussa une porte et nous entrâmes dans une pièce harmonieuse qui enveloppa nos cœurs dans un nuage de bien-être! Un tapis gris-bleu accueillit nos pieds qui s’enfoncèrent à chacun de nos pas. Une tapisserie aux fleurs délicates ornait les murs, et on y retrouvait les teintes du couvre-plancher. Le lit qui trônait au centre de cette pièce arborait les mêmes dessins que la tapisserie! Un voile bleu-gris emballait le lit, relié aux quatre poteaux, et, quand des persiennes bleu-gris s’ouvrirent sur un balcon, nous aperçûmes au loin un petit village où dominait un clocher d’église! Ce clocher proposait un indice que cette île abritait des habitants, malgré les apparences. Dans un coin de la pièce, à la gauche du lit, une causeuse, harmonisée au couvre-lit, nous invita à lire un bon livre ou à prendre un moment de repos sans mot dire! Les découvertes dans cette pièce lumineuse et luxueuse se succédèrent. Assise sur le lit, je sentis sous ma main une manette glissée sous l’oreiller. Je saisis la télécommande et je m’amusai à pitonner, et alors une porte à ma gauche s’ouvrit. Intriguée, je pénétrai à l’intérieur de cette porte et je découvris une vaste salle de bain recouverte de tuiles blanches dont certaines miroitaient le bleu gris de la moquette de la chambre. Une grande vanité en marbre crémeux, avec des reflets bleutés, soulignait le mur à ma gauche, et en avançant, je vis une douche encastrée, toute en vitre, et, à l’intérieur, des jets fixés à la paroi pour favoriser la détente. À ma droite, face à la douche, une toilette et un bidet harmonisés aux couleurs de la pièce semblèrent se préparer patiemment pour les premiers invités.


Tout avait été prévu pour accueillir de prochains occupants, même les serviettes moelleuses suspendues à un pôle me regardèrent poursuivre mon intrusion. Je fis remarquer à mon mari, « J’ai l’impression qu’on nous attendait! » Mon observation le déstabilisa, et il pensa sûrement, « Ma femme fabule encore! » J’avançai jusqu’au bout de la pièce à la recherche d’autres découvertes, et à ma grande surprise, une porte dissimulée s’écarta sous mes yeux et me présenta une superbe cuisine équipée d’un poêle, d’un réfrigérateur et d’un micro-ondes. Face aux appareils ménagers et au comptoir de marbre qui remplissait tout le centre, une fenestration encerclait en demi-rond cette pièce illuminée et nous laissait profiter d’un panorama à couper le souffle de la rivière « Libre »! Avant ma rencontre avec la cuisine, la faim ne me tirailla pas, mais quand j’entrepris une brève excursion dans le réfrigérateur, mon regard savoura chaque aliment, et une fringale m’attaqua! Parmi les victuailles, je croisai un pâté de steak et rognon, et une tarte à la citrouille, mets préférés de mon mari. Je le fixai dans les yeux. « Tout cela n’est pas un hasard, quelqu’un te connaît et désire te faire plaisir! Cette personne contrôle peut-être ton cerveau et elle t’a guidé jusqu’ici! » Ses yeux se fermèrent un instant, et je crus qu’il allait affirmer crûment que je fabulais, mais il déclara, lentement, «De la tarte à la citrouille? Je ne vois pas de croustilles BBQ, de fromage, de poitrine de dinde fumée! L’Organisateur de ce banquet n’a pas reçu le mot pour détailler tes goûts! Notre aventure à deux deviendrait plus savoureuse!»


Évidemment, mon mari ne cautionnait pas mon interprétation, devant cette absence de planification. J’itérai à plusieurs reprises, « Nous sommes partis sans rien à nous mettre sur le dos, sans nourriture et sans boissons, mais le plan était bien préparé, en t’offrant tout ce qui te fait plaisir ». Ses yeux commencèrent à s’illuminer, et il rétorqua mentalement, « Pourquoi m’avoir priorisé? Pour me faire plaisir, le planificateur mystérieux se devait de t’inclure dans ses choix! » « Nous rencontrerons peut-être cet individu qui garde un souvenir inoubliable de toi! » Nous revîmes à la chambre pour poursuivre notre enquête, et nous découvrîmes deux placards où pendaient des vêtements exactement à notre taille! Je répétai, « Ce n’est pas le fruit du hasard! » Je sentis que mon mari adhérait de plus en plus à cette thèse. J’ouvris les tiroirs de la commode, et je trouvai des sous-vêtements, des chemises, des pantalons, des bretelles, de jolies jupes-pantalons, des pantoufles, et des pyjamas, eux aussi exactement à notre taille. Je vis mon mari sourire. «Au moins pour les vêtements, l’intendance s’est montrée efficace!»


La fatigue de la journée me rattrapa, et je ressentis le besoin de prendre une bonne douche et de me recouvrir d’un de ces pyjamas douillets pour l’atténuer. Mon mari endossa ma démarche, et s’exécuta à son tour quand j’eus terminé! Je cherchai un apéro qui favoriserait la détente avant de se rendre dans la cuisine! Je repérai au pied du lit un mini congélateur dissimulé derrière les tiroirs de la commode, comme dans les chambres d’hôtel. Je n’entendis pas que mon mari achève sa douche pour fureter à l’intérieur. Je glissai la main, et je ressortis une bouteille de Saint-Raphaël rouge, l’apéro que l’on privilégiait depuis longtemps. Cet aléa me confirma que le maître des lieux nous attendit en plus de connaître nos goûts. Dans cette chambre qui contrasta avec les bibliothèques poussiéreuses, nous nous permîmes de vivre un somptueux tête-à-tête dans un endroit mystérieux qui nous ramena aux valeurs essentielles. Le langage des animaux nous rappela que nous n’étions pas seuls sur Éden! 


Le lendemain matin, ragaillardis par une nuit de sommeil, et un déjeuner copieux, nous poursuivîmes l’exploration des bibliothèques. Il me présenta des auteurs de science-fiction dont j’ignorais l’existence. Il me résuma l’histoire de chacun de ces livres tout en insistant sur certains de ces passages. Je m’interrogeai. « Comment peut-il se comprendre avec tous ces livres? Il est un génie! » Mes pensées vaguèrent. « Je suis choyée d’être l’épouse de cet homme érudit!» Il naviguait avec aisance entre la langue de Shakespeare et celle de Molière, et il précisa « Ce sont de grands classiques! » Je hochai la tête en approuvant son évaluation indépendamment de mes méconnaissances de ces auteurs.


Il entreprit de déballer une autre bibliothèque dont le sujet se référait à l’histoire américaine. Des livres et des livres, et chacun d’eux semblèrent faire partie de son ADN! Je craignais que mon cerveau ne soit sur le bord d’éclater en emmagasinant autant d’information en si peu de temps. Je percevais tout le bonheur dans ses yeux de partager toutes ces connaissances avec une néophyte qui tenta tant bien que mal d’absorber toutes ces informations. Il mima et détailla certaines batailles pour me permettre de vivre et de comprendre le senti des soldats sur le terrain. Au travers de ces guerres, que ce soit en Russie, en Allemagne, en France, en Angleterre, aux USA., ou entre les pays musulmans, nos destins auraient pu suivre d’autres tournants!


Dans son exploration de toutes les bibliothèques qui se trouvèrent devant ses yeux, il découvrit une section de jeux historiques. Je sentis qu’il se retrouva en terrain connu! Fruit du hasard ou conspiration, il saisit un livre qui s’intitulait « Apprendre par le jeu », auteur Pierre Corbeil. Il me regarda avec des points d’interrogation et s’étonna, « C’est mon livre! » Je lui déclarai, « C’est normal! Tu es un spécialiste des jeux! » Évidemment, ma pensée exprima le contraire de mon affirmation, « Par quel processus retrouve-t-il le duplicata de sa propre bibliothèque dans un endroit inconnu? » Nous continuâmes à explorer chacune des pièces quand nous aperçûmes dans l’une d’entre elles, un mur parsemé de disques classiques, d’opéra, de…… et de…….! Dans ce fouillis poussiéreux, aucun des disques ne laissa indifférent mon mari, qui m’explicita minutieusement la différence entre chacun des compositeurs, des opéras ou…….! Les cassettes qui occupaient l’autre pan du mur, allant de la collection de Félix Leclerc, de Claude Léveillée, de Gilles Vigneault jusqu’à Dalida, le firent réagir. « Ce sont mes compositeurs préférés! » Tout à coup, il se tourna vers une troisième bibliothèque, et me montra, tout joyeux, des livres sur l’au-delà et sur la vie des esprits supérieurs. «Voilà! Notre organisateur a mieux tenu compte de tes goûts ici que dans la cuisine. Tu pourras peut-être me faire découvrir des secrets à moi aussi!»

Depuis notre arrivée, nous limitâmes nos sorties entre les bibliothèques et nos appartements qui nous furent destinés. Le soir venu, nous profitâmes du balcon pour respirer l’air pur et nettoyer nos poumons de toute cette poussière accumulée pendant le jour. Assis confortablement, un vent doux caressa nos corps et le silence accompagna nos réflexions intérieures. En ces moments précis, la vie nous apparut légère, insouciante, et exempte de toute pollution humaine, un Éden! Le matin de la cinquième journée de notre séjour, je proposai à mon mari d’aller marcher pour découvrir peut-être d’autres sites enchanteurs, et nous connecter avec la nature, proposition à laquelle il adhéra. Nous partîmes dans la direction opposée de notre arrivée, et comme par enchantement nous rencontrâmes notre guide Tonton qui se fit un plaisir de nous accompagner. Toute une gamme d’animaux se promenait en toute liberté sur l’Éden, et j’eus l’impression d’écrire mon prochain chapitre de la Mission de paix. Nous vîmes un renard que j’interpellai au nom de Mochée, et il accourut vers nous comme un ami qui passa plusieurs années sans nous fréquenter. Sa réaction spontanée nous étonna et nous bouleversa. Je regardai mon mari « Il nous connaît et il se laisse caresser! Une chance que tu partages ces moments précieux, sinon je croirais rêver! » Tous les personnages de Mission de paix se retrouvèrent sur cette île, et personne ne fut apeuré par notre présence, et ils en profitèrent pour recevoir des câlins. Tonton sembla amusé par nos réactions, peut-être parce que secrètement il orchestrait ses rencontres!


Le crépuscule tombé, nous retournâmes à nos appartements pour prendre notre douche, pour apaiser notre faim et pour savourer sur le balcon la pleine lune, l’air pur et le silence! Quelle belle perspective! Assis à l’extérieur, le verre de digestif en main et discutant, une voix venue de nulle part murmura, « Le temps est venu de repartir et nous vous souhaitons bonne continuité! » Je me tournai vers mon mari. « As-tu entendu? » Il demeura coi et je compris qu’il recevait le même message. Je l’interrogeai tristement. « Il nous invite déjà à retourner chez nous! Nous ne pouvons laisser l’île en pleine nuit? » Son regard exprima la déception, car la soif d’en voir plus nous habitait et nous dûmes obtempérer à la demande! La grande question nous confrontait : « Comment devons-nous procéder pour retrouver notre parcours? » Nous ravalâmes toute notre contrariété et nous enfilâmes nos vêtements lors de notre entrée dans cette maison et nous repartîmes vers le monde bruyant que nous quittâmes en toute quiétude ! À l’extérieur, Tonton nous attendit et nous guida vers la chaloupe que nous empruntâmes sur le bord de la rivière!


Un son brutal me fit sursauter! « Que se passe-t-il? » Mon cerveau imagina que l’on fêtait notre départ et qu’on nous saluait avec des feux d’artifice! Tout mon corps trembla à cette perspective et j’exprimai mon senti à mon mari. « Nous vivons un conte de fées, personne ne nous a reçus avec tant d’honneur! » Soudain, la rivière s’agita et des éclairs la traversèrent ! Je m’écriai, « Accélérons la cadence, un orage s’élève! » Je tombai abruptement de mon piédestal quand j’ouvris les yeux et j’aperçus le plafond de ma chambre!


nathalie besson